Sylvie MOTHIRON – Le psychanalyste au travail : « faire des vagues »

Cette série de « Textes de psychanalystes » a pour intention de mettre en valeur la place que peut prendre le travail dans l’analyse d’un sujet. Sylvie MOTHIRON y répond d’une manière jusque là inédite puisque c’est sur le psychanalyste qu’elle fait porter sa réflexion : 

Le psychanalyste au travail – PDF

Le dire de l’analysant « (…) c’est un autre truc » dit Lacan, que celui des dits qui résultent d’une parole pleine, saturée par le sens et vidée de ses dires, où se répètent les tours de l’insatiable demande du sujet qui parle en analyse. Revient à l’analyste par son interprétation, de se situer au centre de cette contradiction qui marque l’opération analytique, entre l’exclusion du sens et la portée des mots, que Lacan continue d’interroger à la toute fin de son enseignement.

C’est précisément de cet endroit qui résonne avec l’expérience de mon propre parcours analytique, que se pose pour moi le désir de déplier cette question. Sans nul doute, ce parcours, qui est le mien, oriente aujourd’hui ma pratique de psychanalyste qui indéniablement recourt au sens alors que l’idée même de réel l’en exclut.

Comment apparaît l’expression de l’inconscient lors d’une psychanalyse ? Elle s’accorde au mouvement de la motion pulsionnelle dont la formule cachée tente de s’articuler dans le récit de chaque analysant. Il appartient alors à l’analyste par son interprétation d’en révéler à l’occasion le sens caché, en tenant compte de cet éclairage qu’apporte Lacan à la fin de son enseignement :« l’interprétation est faite pour faire des vagues et non pour être comprise 1».

1- Saisir l’insaisissable

En 1953 dans Fonction et champ de la parole et du langage, Lacan résout l’analyse par le déchiffrage. Cette période marquée de la prégnance du symbolique, applique un essorage par le sens principalement articulé par le langage, du fait comme il l’énonce que « l’inconscient est structuré comme un langage. » Cette thèse très forte au début de son enseignement se repère également dans les modalités de l’interprétation. La dimension de la « résonance sémantique » du signifiant y prévaut, les références empruntées à la linguistique, aux figures de style littéraires telles que la métonymie ou la métaphore, permettent la révélation d’un savoir inconscient voué à délivrer le sens caché dans le symptôme. Interpréter revient à opérer sur et avec le signifiant, pour clarifier ou faire advenir un sens, l’équivoque signifiante étant elle-même pressée par ce même sens.

Dans l’Étourdit en 1972, c’est par la fonction du dire que Lacan ramène le réel dans la parole du sujet, au point d’en faire un événement de dire. Le dire qui émerge dans le discours de l’analysant témoigne alors d’une impossibilité à dire toute la vérité, à dire le vrai du réel et par conséquent, atteste d’une vérité qui ne peut s’énoncer que menteuse. Entre le dire et les dits de l’analysant se dessine un espace, un écart, un intervalle, que le poète, écrivain et calligraphe François Cheng, qui travailla sur la poésie chinoise avec Jacques Lacan dans les années 1970, appelle le vide médian. Lacan portera à cette notion un intérêt tout particulier, y repérant « une parole qui se saisit aussi bien dans ses effets de sens que dans ses effets de trou ». Il localisera en cet espace, un lieu particulier où circule entre les interstices des mots, l’insaisissable du sujet. Soit, ce qui persiste à ne pas se dire, qui ne cesse pas de ne pas s’écrire, ou ne s’écrit qu’à « s’attraper de la lettre qui enserre le réel », et ne se gagne que par l’intervention de l’analyste, qui peut permettre à l’analysant de s’éveiller à son propre dire.

Par conséquent, si la psychanalyse s’intéresse au sens, c’est en tant qu’il échappe, car précisément, c’est à cet endroit que quelque chose de l’ordre d’un réel peut se saisir.

2- Du sens au son – Surprise !

C’est au-delà de l’équivoque qui nourrit le sens, que l’analyste va orienter son tir et faire sourdre la sonorité d’un signifiant qu’il choisit de faire résonner, hors sens, tel un Witz2, qui par effet de surprise peut produire le réel d’un effet de sens.

L’intervention de l’analyste s’attrape ici, dans l’effet d’un dire, qui porte au-delà de la parole, à condition de le saisir, ce dire, non pas par l’imaginaire ou le symbolique, mais plutôt par le réel. Le travail de l’analyste consiste donc à ajuster sa posture afin d’accueillir, mais aussi de susciter autre chose que le sens par l’interprétation. Celle-ci n’est pas théorique, ni suggestive, ni impérative nous dit Lacan, mais elle est équivoque : comme le signifiant elle ouvre à plusieurs significations. Il s’agit donc, pour l’analyste de se faire caisse de résonance, mais aussi point d’obstacle afin de renvoyer au sujet l’écho de son dire dans le réel. De viser précisément ce qu’il s’agit d’atteindre par le maniement du son, car « dans ce qui est dit, il y a le sonore, et que ce sonore doit consoner avec ce qu’il en est de l’inconscient. 3 ».

En se jouant de l’équivoque signifiante pour en déjouer le sens, et faire qu’un sens advienne dans le réel, l’analyste choisit de surprendre l’analysant, de le déranger de la routine du blabla où parfois il ronronne voire, s’endort. Comme le dit Jacques-Alain Miller dans la préface du Conciliabule d’Angers, l’analyste se fait ici « surpreneur de réel », faisant du réel sa boussole pour s’orienter dans sa pratique. Dans son intervention qui fait de son interprétation un acte, il vise « l’Un du sujet », entendons qu’il prend précisément pour cible, ce qui reste oublié derrière ce qui se dit dans ce qui s’entend, afin qu’ex-iste ce qui, derrière ce qui se dit, reste bien trop souvent, trop longtemps, oublié.

En ouverture de son Séminaire Les Écrits techniques de Freud, Lacan initie déjà cette voie de la surprise, en portant cette indication si précieuse pour l’analyse et essentielle pour l’analyste : « Le Maître interrompt le silence par n’importe quoi, un sarcasme, un coup de pied. C’est ainsi que procède dans la recherche du sens un maître bouddhiste, selon la technique zen. Il appartient aux élèves eux-mêmes de chercher la réponse à leurs propres questions. »4 De cette manière, l’interprétation de l’analyste se décale du sens. Elle va du sens au son, parfois même, comme pour le Maître Zen il s’agit simplement « de faire signe » et ainsi de provoquer des effets de vagues qui ne sont pas faits pour être compris. Écouter, couper, scander, interrompre le discours de l’analysant, ou laisser résonner le dire silencieux de l’analyste, autant de postures qui visent à surprendre le sujet, à le réveiller de la routine du sens. Mais aussi et surtout, à faire vibrer autrement le signifiant élu, celui qui fera mouche.

La surprise n’a d’intérêt pour Lacan que dans le cas où elle peut dénouer le sens, qui intimement emmêlé à la certitude qu’en a le sujet contribue à tisser la trame de son symptôme. Ceci peut lui permettre d’initier un nouveau nouage. La surprise provoque ainsi la rupture avec le sens, le savoir et le fantasme ouvrant de nouveaux horizons au sujet. En cela, elle confirme ce qu’en disait déjà Lacan en 1967 : « Ce que nous avons à surprendre, est quelque chose dont l’incidence originelle fut marquée comme traumatisme. »5

3- Trouvaille du sujet – Une fulgurance !

L’indication que Lacan nous livre sur le mot d’esprit nous éclaire justement sur l’esprit avec lequel il entend manier l’interprétation à la fin de son enseignement. Il s’agit pour lui de « coincer le réel », de « le ferrer ». Il interroge : « Pourquoi est-ce qu’on n’inventerait pas un signifiant nouveau ? Un signifiant par exemple, qui n’aurait comme le réel aucune espèce de sens. (…) C’est même en ça que consiste le mot d’esprit. Ça consiste à se servir d’un mot pour un autre usage que celui pour lequel il est fait, on le chiffonne un peu, c’est dans ce chiffonnage que réside son effet opératoire. » 6

À suivre Freud, la structure du mot d’esprit consiste en un Witz ou lapsus réussi, lorsque surgi de l’inconscient, il parvient à en surprendre l’auteur lui-même et à se faire authentifier par un tiers. Soutenir une telle pointe de l’esprit (Einfall), elle-même à l’origine d’un message incongru, permet, comme nous l’indique Lacan, de promouvoir l’idée de « nouveau » dans le dire. Il précise : « Un signifiant nouveau qui n’aurait aucune espèce de sens, ce serait peut-être ça qui nous ouvrirait à ce que, de mes pas patauds, j’appelle le réel. Pourquoi est-ce qu’on ne tenterait pas de formuler un signifiant qui contrairement à l’usage qu’on en fait actuellement, aurait un effet ? »7 Lacan insiste ici, sur le mot d’esprit en tant qu’il produit un effet de surprise. Sa dynamique ouvre un espace, un écart qu’il ne s’agit justement pas de saturer par le sens, mais au contraire de laisser à la libre interprétation du sujet, qui lui-même en sera étonné et surpris par l’inattendu de sa propre trouvaille. Cette découverte inaugure pour le sujet une perte qui implique pour lui l’émergence d’un nouveau savoir, qui le dérange dans ses certitudes et lui ouvre la possibilité d’écrire une nouvelle version de son histoire, un nouage inédit.

Synthétique, immédiat et fulgurant, le mot d’esprit est comparable à la vitesse de l’éclair/Blitz, ce qui conduit Lacan à le traduire par « trait d’esprit ». Il en accentue de cette manière la fulgurance langagière par la consonance entre Blitz et Witz et souligne le caractère « hors » sens, ce qui est à entendre du côté du « pas- de- sens », comme on dirait pas-de-vis, ou pas-de-quatre… « C’est le pas vidé de toute espèce de besoin. (…) Qui dans le trait d’esprit peut tout de même manifester ce qui en moi est latent de mon désir (…) et c’est quelque chose qui peut trouver écho dans l’Autre, mais pas forcément. Dans le mot d’esprit, l’important est que la dimension du pas-de-sens soit reprise, authentifiée. »8 Et Lacan dajouter que si le mot d’esprit a un sens, « c’est justement d’équivoquer », et « c’est en cela qu’il donne le modèle de la juste interprétation analytique. »

Cet exemple du mot d’esprit illustre parfaitement la définition de l’interprétation apophantique que Lacan donne dans l’Étourdit, en se référant à l’oracle : « il ne révèle ni ne cache, mais en tant qu’il fait signe ». Précisément, il s’agit d’une interprétation qui n’implique pas forcément une énonciation et dont Lacan souligne qu’elle peut basculer de l’effet de sens vers un effet de sens réel. Comme il l’indique à Nice, « il y a (…) de fortes chances que ce qu’il y a de plus opérant, c’est un dire qui n’a pas de sens. »9, et qui puisse permettre selon l’expression de Lacan, de « ferrer » un bout de réel afin qu’en surgisse un « signifiant neuf » qui émerge dans le dire du sujet.

C’est cette dynamique du double effet qui intéresse Lacan. Un sens doublé d’un pas-de sens qui fait trou dans le signifiant, dont il retrouvera le mouvement si singulier dans la poésie chinoise. Voilà pourquoi, il propose de s’inspirer de la poésie, et recommande aux analystes d’en « prendre de la graine ». Il annonce « (…) vous verrez que c’est le forçage par où un psychanalyste peut faire sonner autre chose que le sens. » Il ajoute : « Le sens, c’est ce qui résonne à l’aide du signifiant. Mais ce qui résonne, ça ne va pas loin, c’est plutôt mou. Le sens, ça tamponne. »10 Effectivement, le sens promu par la linguistique fixe les choses, il suture, il pétrifie, sidère, enferme, voire il endort, c’est probablement une des raisons pour laquelle Lacan s’éloigne de la linguistique, posant qu’« un discours est toujours endormant, sauf quand on ne le comprend pas alors, il réveille11 »

C’est avec l’écriture poétique chinoise que Lacan choisit de réveiller la pratique analytique et de fait celle des analystes. « Il n’y a que la poésie, vous ai-je dit, qui permette l’interprétation. C’est en cela que je n’arrive plus, dans ma technique, à ce qu’elle tienne. Je ne suis pas assez poète. Je ne suis pas poâte-assez.12 »

4- Quand le singulier écrase l’universel Poésie.

Lacan trouve dans la poésie chinoise une modalité d’accès au Réel, et dans l’acte poétique la matrice de l’acte analytique, qui par la suite le conduira à l’écriture du nœud borroméen. Dans son Séminaire d’un discours qui ne serait pas du semblant, il déclare : « Je me suis aperçu d’une chose, c’est que peut-être, je ne suis lacanien que parce que j’ai fait du chinois autrefois13 ».

Dans son texte Vers un signifiant nouveau, Lacan indique « être éventuellement inspiré par quelque chose de l’ordre de la poésie pour pouvoir intervenir en tant que psychanalyste ? C’est bien ce vers quoi, il faut vous tourner, parce que la linguistique est une science très mal orientée. »14 Dans ce même chapitre, il invite les psychanalystes à lire le livre de François Cheng « L’écriture poétique chinoise »15 qui vient alors de paraître, et il souligne : « à l’aide de ce qu’on appelle l’écriture poétique, vous pouvez avoir la dimension de ce que pourrait être l’interprétation analytique. » 

Il précise alors en quoi le poète réussit un « tour de force », non pas à produire du sens en valorisant l’équivoque qui peut ainsi ronronner à l’infini, mais bien au contraire, à en scier le sens. C’est-à-dire que dans le double sens que le poète produit, il ne s’agit pas, dit-il de redoubler le sens, d’en rajouter, mais plutôt de faire qu’un des deux sens de l’équivoque soit absent, qu’il fasse trou, résonne de son vide et ceci « en le remplaçant, ce sens absent, par la signification. La signification n’est pas ce qu’un vain peuple croit. C’est un mot vide. »16

C’est en cela que Lacan s’intéresse à la poésie chinoise, dans la mesure où par le vide médian ou le souffle médian comme le nomme François Cheng, c’est la résonance du vide qui se fait entendre. Et ce lieu, est également un espace de circulation ouvert entre deux opposés, deux territoires distincts, un entre-deux qu’Éric Laurent compare à « une sorte de version du littoral, soit ce qui sépare deux choses qui n’ont entre elles aucun moyen de tenir ensemble, ni aucun moyen de passer de l’une à l’autre.17 » C’est par conséquent la possibilité de « faire tenir ensemble ce qui ne tient pas ensemble, le réel et le sens (…) »18.

Au cours de leurs rencontres, J. Lacan et F. Cheng s’attacheront à préciser ce qui dans l’écriture poétique implique le vide, et comment la poésie se trouve singulièrement travaillée par lui. Dans ces innombrables entre, là où grouille la vie et se révèle le vivant. À tout instant peut surgir l’inespéré, l’inattendu, toujours neuf d’un sursaut d’où peut s’éveiller le sujet. C’est au creux de ces écarts, au royaume de l’intervalle, dans la pliure de la « vallée où poussent les âmes » selon l’expression du poète John Keats, reprise par F. Cheng, que chaque vivant peut prendre conscience de son unicité, et ainsi, trouver consistance dans ce qui de lui, se révèle hors sens et reste insaisissable. À l’occasion de la publication du livre de François Cheng, J. Lacan envoie à l’auteur ces quelques mots : « Je le dis : désormais, tout langage analytique doit être poétique »19.

Ce que Lacan attrape dans l’écriture poétique chinoise, et qui inaugure les prémices de l’écriture borroméenne, c’est le trou. Le trou qu’elle parvient à serrer, à dessiner dans l’espace sonore comme dans l’écriture, en faisant un nœud qui fait tenir ensemble l’imaginaire et le symbolique et fait nouage avec le réel. « La métaphore et la métonymie n’ont de portée pour l’interprétation qu’en tant qu’elles sont capables de faire fonction d’autre chose […], ce par quoi s’unissent étroitement le son et le sens. C’est pour autant qu’une interprétation juste éteint un symptôme que la vérité se spécifie d’être poétique »20. C’est en doublant le sens que la poésie chinoise peut produire aussi bien un effet de sens qu’un effet de trou, et qu’ainsi elle peut guider l’analyste dans le maniement de l’interprétation analytique.

Voilà ce qui fascine Lacan dans l’écriture poétique chinoise, c’est « ce qui s’élide dans la cursive, où le singulier de la main écrase l’universel »21. La langue chinoise et son écriture offrent l’opportunité de saisir ce point où le singulier de l’énonciation dérange et bouscule le particulier, fait événement de corps et fait ainsi résonner cette phrase si connue de Lacan « les pulsions, c’est l’écho dans le corps du fait qu’il y a un dire ». Les signes gardent quelque chose de la main du calligraphe qui les a tracés. Ici, s’impose la diversité infinie de l’Un, c’est l’exploit « sans espoir pour un occidenté ». C’est cette présence du sujet dans la lettre qu’évoque Lacan dans Lituraterre, qui ne vaut qu’au un par un. C’est un pari, dit-il, qui se gagne avec de l’encre et un pinceau.

Sylvie MOTHIRON

Le 06 septembre 2024.

Sylvie MOTHIRON est psychanalyste, membre de l’École de la Cause freudienne et de l’Association Mondiale de Psychanalyse. Elle exerce à Orléans. Elle est à l’initiative avec quelques-uns de la création d’un lieu et d’un dispositif nommé POP, qui permet à des sujets de rencontrer un praticien orienté par la psychanalyse lacanienne dans l’Institution publique hospitalière. POP est l’acronyme de Psychothérapies d’Orientation Psychanalytique.

1 Lacan J., « Conférences et entretiens dans des universités nord-américaines », Scilicet, n°6-7,1976, p.35.

Witz : mot d’esprit.

3 Lacan, J., Ibid, p. 41.

4 Lacan J., Le Séminaire Livre I, Les écrits techniques de Freud, (1953-1954), Le Seuil,1975, p7.

5 Lacan J., « De la psychanalyse dans ses rapports avec la réalité », Autres Écrits, Le Seuil, Paris, 2001, p.353.

6 Lacan J., Ornicar? n° 17/18, IV. Un signifiant nouveau, 17 Mai 1977, p.21.

7 Lacan J., Ibid. p 23.

8 Lacan J., Le Séminaire Livre V, Les formations de l’inconscient, Paris, Seuil,1998, p 99.

9 Lacan J., « Le phénomène lacanien », Conférence au CUM de Nice du 30 novembre 1974, Cahiers cliniques de Nice, n° 1, juin 1998, revue de l’antenne clinique de Nice, Association de la Cause freudienne.

10 Lacan J., Ornicar 17/18, chapitre II, la varité du symptôme, 19 avril 1977, p.15.

11 Lacan J., Ibid p15.

12 Lacan J., Ornicar 17/18, chapitre IV, Un signifiant nouveau, 19 avril 1977, p.22.

13 Lacan J., Le Séminaire, Livre XVIII, D’un discours qui ne serait pas du semblant, Paris, Seuil, 2007, p. 36.

14 Lacan J., Ornicar 17/18, chapitre II, la varité du symptôme, 19 avril 1977, p. 16.

15 Cheng F., L’écriture poétique chinoise, Paris, Seuil, 1977.

16 Lacan, J., Ornicar 17/18, chapitre II, la varité du symptôme, 19 avril 1977, p.15.

17 Laurent, E., « La lettre volée et le vol sur la lettre », La Cause freudienne, 43, p. 4.

18 Laurent, E., Ibid., p. 45.

19 Cheng F., L’Âne N° 48, oct.-déc. 1991, propos recueillis par Judith Miller.

20 Lacan J., Ornicar 17/18, chapitre II, la varité du symptôme, 19 avril 1977, p. 16.

21 Lacan J., « Lituraterre », Autres Écrits, Le Seuil, Paris, 2001, p. 16.

Le lapsus d’Anis LIMAMI

Dans cette vidéo, Anis Limami, à partir de l’expérience de sa psychanalyse nous parle du lapsus.

Dans l’analyse, le sujet va à la découverte de son inconscient, c’est une découverte personnelle qui peut avoir des ressorts inattendus. Au cœur même d’une séance peut surgir inopinément un mystérieux invité : un lapsus. C’est un surgissement de l’inconscient. Qu’est-ce que cela nous enseigne ?

SOMMAIRE : – 1mn20 : La découverte personnelle de l’inconscient – 3mn30 : « Passage de VIE à trépas » – 7mn10 : Psychothérapie/Psychanalyse – 9mn30 : « Regarde quelle est ta propre part au désordre dont tu te plains » – 10mn30 : « Le destin que l’on tresse ».

Vous pouvez retrouver Anis Limami sur le BLOG parolesdanalysants.fr dans une vidéo intitulée « S’enseigner avec la psychanalyse » où il parle des effets de sa psychanalyse dans sa vie professionnelle.

Et dans les podcasts : AFTER 1: « Ne pas baisser les bras »et  AFTER 2: « Se manifester comme analysant – l’after-effect »

Il a aussi participé aux articles de la rubrique Paroles d’analysants renommés.

Atelier Minute Causette – en 3 épisodes

Voici une mini-série en trois épisodes consacrée à un dispositif inédit : L’Atelier « Minute Causette », fruit d’une rencontre entre deux professionnelles, une psychologue et une professeure des écoles travaillant ensemble auprès des enfants de l’ITEP* St Antoine de Chinon. 

Comment travailler avec ces enfants ? Comment susciter leur attention ? Comment les apaiser ? Pour leur professeure des écoles, comment les amener à lire, leur en donner le goût ? Pour leur psychologue, comment les amener à dire ce qui leur arrive ? 

Isabelle Buillit, psychologue et Céline Thévenet, professeure des écoles, interviewées par Dora Zaouch, nous font le récit de leur expérience

Dans le  premier épisode, « ENFANTS SURPRENANTS », elles expliquent leur projet et les surprises que leur ont réservé les enfants

SOMMAIRE  : 1mn20 : Les enfants de l’ITEP et l’Atelier Minute Causette – 3mn50 : Attention et apaisement – 8mn10 : Un autre regard – 12mn40 : De la rivalité au compagnonnage – 

Dans le second épisode, « DÉSIR DE LIRE ». Vous entendrez dans cette vidéo comment la lecture de romans et les conversations que cela provoque, « appelle chez [ces enfants] quelque chose qui va calmer la pulsion ». Tenus en haleine par le récit, la lecture se poursuit semaine après semaine. Le DÉSIR de lire s’en trouve alors éveillé.

SOMMAIRE : 1mn00 : Pulsion et civilisation – 3mn00 : Du « doux forçage » à « ça m’a fait ému » – 7mn45 : Le savoir de l’enfant – 9mn25 : ...et subjectiver ?

Dans le troisième épisode : « PARLER », est mis en valeur ce qui permet l’émergence de la parole. Comment parler à ces enfants pour lesquels « tout le symbolique est réel »** ? Dans ce dernier épisode on entendra comment les fictions de chaque roman lu à haute voix peuvent être des paroles recevables, et non plus reçues comme malveillantes. On entendra aussi comment ces moments de lecture réunissent les conditions pour qu’une énonciation soit possible, et que du sujet puisse advenir. 

SOMMAIRE : 0mn50 : «.L’enfant se nourrit de paroles autant que de pain » – 2mn50 : L’effet d’une demande minimale5mn20 : Dimension thérapeutique / transfert.

* Un ITEP est un Institut Thérapeutique, Éducatif et Pédagogique qui accueille des enfants et des adolescents rencontrant des difficultés psychologiques de socialisation et d’accès aux apprentissages. 

**Lacan J., Ecrits, « Réponse au commentaire de Jean Hyppolite », Paris, Seuil, p.390.

La musique des vidéos consacrées à l’Atelier Minute Causette est une composition originale de Nathanaël Sakaï : « Melomoog », 2023.

Emmanuelle BORGNIS DESBORDES : « Lire la clinique autrement – PULS-Médecine »

PULS-Médecine est un lieu où la psychanalyse vient dialoguer avec la médecine pour appréhender les corps et les symptômes autrement. Les apports de la psychanalyse et son orientation du désir et par le sujet permet aux « gens de médecine » de venir interroger autrement leur pratique, leur acte, leur désir – soit élever la clinique à plus grande dignité.

Ce que Emmanuelle Borgnis Desbordes développe dans ce texte :

« Lire la clinique autrement – PULSMédecine » – PDF

Le groupe de recherche clinique rennais PULS-Médecine propose depuis cinq ans un lieu d’élaboration de la clinique1 au sein du Centre Hospitalier Universitaire de Rennes en partenariat avec l’Institut de la Mère et de l’Enfant (IME) et la faculté de Médecine de Rennes. Cette élaboration se fait sous la forme d’ateliers cliniques dans lesquels les professionnels de santé témoignent de leur rencontre avec les patients, de leurs inventions, de leurs impasses2 et de leurs petits arrangements avec la « chair jouissante ». Ce lieu d’élaboration, de réflexion et de transmission est un rendez-vous où se côtoient des professionnels de santé d’horizons divers et aux missions variées. Ce qui leur est commun est la rencontre, dans la clinique, avec ce qu’il y a de plus « réel » ; un « réel » qui se rencontre toujours comme butée3 et qui mérite recueil. Le patient est aussi un sujet – sujet d’une dialectique, d’une structure, objet d’un fantasme et d’une jouissance « par lui-même ignorée ».4 Aussi, l’accueil que chaque professionnel de santé offre à un patient – quelle que soit la demande énoncée et la réponse médicale qui peut lui être donnée – devrait pouvoir prendre en compte la part d’inattendu qu’immanquablement la clinique recèle et trouver les mots pour dire l’inattendu.5

La médecine n’échappe pas aux nouveaux idéaux de l’époque et à son cortège de dénis. Points de rencontres, d’élaboration et de transmission, les ateliers cliniques PULS-Médecine sont de véritables laboratoires pour ceux qui font le choix de s’autoriser à présenter des situations cliniques traversées d’impasses, interrogeant en toute logique leur acte et le désir qui le conditionne.6

S’orienter de la psychanalyse pour appréhender les symptômes et les corps

Un colloque bisannuel à Rennes est l’occasion de faire connaître au plus grand nombre ce que la rencontre entre psychanalyse et médecine peut produire7 – ou ce que s’orienter de la psychanalyse peut produire dans l’appréhension des symptômes et des corps à l’heure contemporaine. La crise des vocations chez les soignants est le symptôme d’un malaise, au-delà des conditions d’exercice, celui de la civilisation.

En 1973, Lacan parle de « l’égarement de notre jouissance » quand l’Autre ne la situe plus – ce qui caractérise l’époque. Or « il lui faut bien une boussole, un régulateur, pour qu’elle soit bordée ».8 A défaut, elle livre les sujets à la démesure de leur jouissance. Aujourd’hui il y a « malaise dans la séparation », et les conséquences symptomatiques ne se font pas attendre. La médecine, souvent convoquée en première intention, est sommée de répondre aux dysfonctionnements des corps. La tendance aujourd’hui est à l’économie du sens pour rendre compte de la subjectivité humaine : « je n’en veux rien savoir », voire « il n’y a rien à savoir ». « Le symptôme en tant que trace du refoulement décline »9 et toute manifestation symptomatique – bien souvent signe de l’angoisse – est rabattue sur un signe clinique à traiter et à éradiquer. C’est ainsi que « le DSM IV produit, sous la rubrique des troubles anxieux, un continuum où se logent les phobies, l’attaque de panique, les états d’anxiété généralisée, le stress post-traumatique et les troubles obsessionnels (soient) les formes de l’omniprésence de l’angoisse »10. Ce continuum est signe d’un rapport non médiatisé entre sujet et objet, de la « montée au zénith de l’objet a » et du « déferlement de la jouissance ».11 Désorientation, mélancolisation, accès angoissés, passages à l’acte, sont autant de conséquences d’une opération de nivellement et de concordance du désir à une supposée réalité.

Se façonner un corps pour serrer la jouissance

En 2024, le groupe de recherche clinique PULS-Médecine reprend ses réflexions et convie les soignants qui le désirent à trois ateliers cliniques de janvier à juin sous le titre : « Le corps, ses découpages et ses affects ».12 À l’ère de l’égalité forcée entre les êtres et entre les sexes, le corps est devenu plus que jamais support à une identité qui vaille.13 Il apparaît comme ce à partir de quoi le sujet va pouvoir se construire un destin. Comme si « au commencement était le corps… » et que lui seul pouvait donner garantie d’existence. Comme s’il n’était pas traversé ce corps de la parole et du langage qui l’élèvent pourtant à tout autre chose qu’un organisme physiologique ! Les « conditions d’existence » au champ de l’Autre, d’où le désir tirait sa cause, ces « conditions » promues par Lacan, semblent de plus en plus niées, déniées voire exclues. Le règne de la satisfaction immédiate et le refus de toutes les frustrations poussent les êtres à se façonner des corps à la démesure de leur jouissance et à penser n’être guidé que par lui. La trace laissée dans le corps du fait d’être un sujet qui parle tend à être occultée mais elle joue sans nul doute sa partie. Aujourd’hui, « de moins en moins de crédit est accordé à la langue, (langue de l’Autre dont le sujet est de plus en plus coupé) le laissant en proie avec un corps qui ne trouve plus ses limitations. Les mots n’arrivent plus – et ne sont plus convoqués d’ailleurs à répondre aux excès de la jouissance des corps. Qu’est-ce qui peut bien faire limitation quand, du côté de l’Autre, ça ne répond plus ?

Quand la médecine traite « chaque bout de corps »

La médecine n’a cessé de découper le corps en organes distincts, elle en a même fait des spécialités et des spécialistes. Et si les avancées scientifiques sont indéniables, elles ne disent rien de ce qui anime les corps, les pulse et les organise. Aujourd’hui, les demandes faites à la médecine s’accroissent alors que les symptômes prolifèrent… L’angoisse, elle, continue de croître. « Aujourd’hui, la formule qui convient, et qui se substitue à celle de ‘Seul l’amour permet à la jouissance de condescendre au désir’ est celle-ci : ‘Seule l’angoisse transforme la jouissance en désir’. L’angoisse est en effet signal d’un réel non voilé, avec lequel le sujet est en prise directe et le fantasme comme ‘défense du sujet’ est court-circuité ».14

Chaque « bout de corps » souffrant doit être traité le plus rapidement possible dans une volonté de retour à l’équilibre, au fonctionnement. L’heure est à la découpe ! et le corps abandonné à ses jouissances ne cesse de se séparer de ce qui pourrait lui donner la seule consistance qui vaille : le fait d’être parlé. C’est pourtant l’Autre qui transforme l’organisme en corps, un corps qui réagit aux signifiants, qui est découpé par la pulsion et qui, parce qu’il est parlé, peut jouir tout seul. « Le langage est un corps subtil ».15 L’époque met en évidence une disjonction de plus en plus grande entre les mots et le corps, séparation consécutive à l’inconsistance de l’Autre qui ne joue plus sa mission d’ordonnancement. Nous assistons aujourd’hui au culte de « la vie immédiate organisée autour de l’objet plus-de-jouir… un corps (qui) devient mon seul bien propre dont je fais ce que je veux ».16 Il n’est pas étonnant que les phénomènes de corps se multiplient dans la clinique. Le corps semble être ce qui nous reste pour donner un sens à notre existence et sa découpe n’est pas sans faire écho au règne des Uns tout seuls qui ne cessent de réitérer du même : 1, 1, 1… Cette succession n’est pas répétition mais réitération…17 et elle signe l’époque.

La psychanalyse vise « à travers le dire, et l’écho qu’il induit, le réel, d’où s’origine le « confinement de la jouissance à l’Un ».18 Elle nous est d’un solide appui pour interroger dans nos pratiques l’accueil toujours particulier que nous réservons à chaque patient pour civiliser la jouissance et modifier le rapport « confiné » qu’il entretient à son partenaire de jouissance.

Emmanuelle Borgnis Desbordes

Janvier 2024

Emmanuelle Borgnis Desbordes est Maître de conférences en psychopathologie clinique, chargée d’enseignements à la faculté de médecine de Rennes 1, Habilitée à Diriger des Recherches à l’université Rennes 2, psychanalyste, membre de l’École de la Cause freudienne et de l’Association Mondiale de Psychanalyse.

Lien vers le Blog de PULS-Médecine

1 Groupe de recherche clinique PULS-Médecine composé du Dr David Briard, chef de service pédiatrie au CHU de Rennes, psychanalyste, membre de l’ACF en VLB ; Emmanuelle Borgnis Desbordes, Maître de conférences en psychopathologie clinique, Habilitée à Diriger des Recherches à l’université Rennes 2, chargée d’enseignements à la Faculté de médecine de Rennes, psychanalyste, membre de l’ECF et de l’AMP.

2 Cf. Blog de PULS-Médecine, consultable en ligne : https://www.pulsmedecine.com/

3 Cf. Miller J.-A., L’Os d’une cure, Paris, Navarin éditeur, 2018, p. 13 : « il y a un être parlant qui se met en chemin et qui rencontre une pierre ».

4 Freud S., « L’Homme aux rats », Cinq psychanalyses, Paris, PUF, 1954, p. 207.

5 Cf. Laurent É., « Le traitement de l’angoisse post-traumatique : sans standards mais non sans principes », Revue Quarto, no 84, juin 2005, p. 28.

6 Borgnis Desbordes Emmanuelle « S’autoriser en médecine », Revue Mental, 47, 2023.

7 Le 9 juin 2023, les 4èmes rencontres PULS-Médecine avaient pour titre, « L’urgence, la solitude et l’administration du soin » en présence des Docteurs François Leguil et Frank Rollier, psychiatres et psychanalystes, membres de l’ECF et de l’AMP. Argument : https://www.pulsmedecine.com/puls-4-lurgence-la-solitude-et-ladministration-du-soin%EF%BF%BC/

8 Rezki C., « Égarements », UFORCA, 23 déc 2021, en ligne : https://www.lacan-universite.fr/egarements/ et IRONIK 49.

9 Ibid.

10 Ibid.

11 Rezki C., « Égarements », op.cit.

13 Cf. Brousse M-H. « Politique des identités, politique du symptôme » Revue du Champ freudien Orincar ? 53, 2019.

14 Porcheret B « Isolement, retrait et lien social », Section clinique de Nantes, 2021, en ligne : https://sectioncliniquenantes.fr/wp-content/uploads/2021/06/21-03-19-Porcheret-VLI-DEF.pdf

15 Lacan J. « Fonction et champ de la parole et du langage » in Ecrits, Paris, Seuil, 1966.

16 Lacadée P., « Chronique du malaise (III) : L’I-meute du plus-de-jouir », L’Hebdo-blog 318, 25 Nov 2023 : https://www.hebdo-blog.fr/category/lhebdo-blog-318/

17 Cf Miller J-A évoqué par Porcheret B. « Isolement, retrait et lien social » op.cit.

18 Guyonnet D., « Quand Lacan parlait aux murs », Revue en ligne Hebdo-Blog 203, 10 mai 2020, https://www.hebdo-blog.fr/lacan-parlait-aux-murs/

La psychanalyse… quelques citations, références

et un peu d’histoire

« La parole a des effets sur le symptôme. En analyse, elle ne le corrige pas par des impératifs autoritaires ou la suggestion, mais le déplie, en fait le tour sans chercher sa résolution absolue (…). Elle le lit. La psychanalyse est un processus. »

« Philippe Dayan, un psychanalyste populaire » in Familles, questions cruciales, la chronique d’Hélène Bonnaud, Lacan Quotidien N° 915 – Mercredi 24 février 2021

« À mon sens, la psychanalyse est d’abord une pratique qui permet de s’inventer de façon nouvelle, de devenir l’auteur et l’acteur de son existence. » 

François Ansermet « Il n’y a pas de mode d’emploi pour la vie », publié le 7 octobre 2017 par Sophie Davaris, site 24 heures. Lien vers l’article original : ici

« Quel est le statut de la psychanalyse si celle-ci n’est pas une science, une thérapeutique ou une vision du monde ? Il revint à Lacan de l’avoir définie comme une expérience de parole inscrite dans la subjectivité de son époque. »

« L’invention de la psychanalyse, toujours recommencée, Palpitante découverte freudienne » la chronique de Laura Sokolowsky Lacan Quotidien N° 869 – Vendredi 14 février 2020.

« L’art de la psychothérapie consiste à écouter la parole de celui qui souffre, à savoir répondre avec une parole qui puisse désangoisser et tenter de symboliser le trauma. L’instrument est la parole, la parole qui demande et la parole qui sait répondre. À l’occasion, on peut trouver aussi cela dans l’expérience analytique, mais la psychanalyse vise autre chose : une mise en logique de ce qui cause cette jouissance (ainsi que l’a appelée Freud) logée dans le symptôme et qui fait souffrir. »

« La psychanalyse au temps du coronavirus » par Antonio Di Ciaccia Lacan Quotidien N° 881 – Samedi 18 avril 2020.

« En 1960, Lacan termine son année d’enseignement en dévoilant le but de la psychanalyse. Une analyse ne promet pas le bonheur. Elle ne conduit pas à voir tout en rose. Mais elle permet l’accès au désir. Lacan affirme alors que «  la seule chose dont on puisse être coupable, au moins dans la perspective psychanalytique, c’est d’avoir cédé sur son désir »(1). »

Clotilde Leguil, « Céder n’est pas consentir » PUF, Paris, 2021, p.88-89.

(1) Jacques Lacan, L’éthique de la psychanalyse, Livre VII, Paris, Seuil, 1986, p.368.

« Dans l’expérience d’une analyse, le désir émerge en s’arrachant à la pulsion de mort inhérente au symptôme. Le désir s’en détache, s’en extrait, depuis un choix du sujet. L’expérience de la psychanalyse conduit à extraire le désir afin qu’il ne soit pas écrasé par la pulsion. »

Clotilde Leguil, Céder n’est pas consentir, PUF, Paris, 2021, p.194

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Inventée par Sigmund Freud en 1896, au cours de ses recherches sur l’hystérie menées en lien avec Joseph Breuer, la psychanalyse désigne à la fois une exploration de l’inconscient et la méthode permettant cette exploration.

C’est Anna O., une patiente, qui a conduit Freud en 1895 à abandonner l’hypnose, méthode qui semblait donner un accès direct à l’inconscient, et à opter pour l’association libre. Freud se décale de la position du médecin qui sait et qui parle, il laisse la parole à ses analysantes. Ainsi que l’énonce Lacan, « guidé par ces admirables théoriciennes qu’étaient, que sont les hystériques, il faisait son expérience de ce qu’il en est de l’économie inconsciente »(2). Il ne se positionne pas comme savant. « Tout son génie en psychanalyse sera de partir de ce qui le dessaisit de sa maîtrise pour s’interroger sur la cure analytique »(3).

Cela marque le début de la psychanalyse freudienne, qui vise la découverte par le sujet de ses désirs inconscients. À partir de ce travail avec Anna O., qui appelait cette méthode la talking cure, Freud et Breuer renoncent à l’étiologie physiologique des névroses, de l’hystérie notamment, qui devient un trouble psychique lié à des réminiscences.

C’est à partir de son expérience des cures qu’il a menées que Freud a théorisé la psychanalyse. Il s’est aussi impliqué ne faisant pas l’impasse sur l’analyse de son propre rapport à l’inconscient, à lire en particulier dans « L’interprétation des rêves » (4).

Cela se poursuit encore de nos jours : c’est du divan, d’une psychanalyse personnelle et de l’expérience des cures menées, que se forment les psychanalystes et que s’élabore le savoir de la psychanalyse.

Élisabeth Marion, 12 décembre 2023.

(2) Lacan Jacques, Le séminaire, livre XVI. D’un Autre à l’autre [1968-1969], Paris, Seuil, 2006. p191.

(3) Clotilde Leguil, L’être et le genre, PUF, Paris, 2015, p.89.

(4), Sigmund Freud, L’interprétation des rêves, PUF, Paris, 1999.

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Quelques films ont porté à l’écran la pratique analytique de Freud :

John Huston en 1962 « Freud, passions secrètes »

Benoît Jacquot en 2003  « Princesse Marie »

David Cronenberg en 2011 « A dangerous method »

« La pratique analytique de Freud à l’écran selon John Huston, Benoît Jacquot et David Cronenberg », Article de Yohan Trichet et Élisabeth Marion, Bulletin de psychologie 2017/1 Numéro 547, p59-71. LIEN vers l’ARTICLE

Deux vidéos : 1 « Écouter et s’exprimer » 2 « Consentir ? » par Sylvie LACROIX, avocate

Interview de Sylvie Lacroix, avocate au barreau du Mans, en deux épisodes, par Cécile Nicco, professeure de philosophie

En 2021, elles ont participé ensemble à la préparation d’une visioconférence dont l’invitée, Clotilde Leguil présentait son livre « Céder n’est pas consentir » (PUF, 2021). C’est à propos de cette question fondamentale du consentement que j’ai demandé à Cécile Nicco d’interviewer Sylvie Lacroix. Mais l’intérêt pour le travail de Clotilde Leguil n’est pas sans lien avec l’expérience de la psychanalyse.

C’est par là que l’interview commence dans ce premier épisode intitulé :

«Écouter et s’exprimer» :

Le second épisode est intitulé  « CONSENTIR ? »  À propos du livre de Clotilde Leguil : « Céder n’est pas consentir »

Cet épisode est consacré à ce livre dont Sylvie Lacroix met en valeur le retentissement dans sa réflexion. Ce livre qui éclaire les racines subjectives du consentement à la lumière de la psychanalyse.

Quand y a-t-il ou non consentement ?

Comment tracer une frontière entre consentement et forçage ?

L’exploration, ancrée dans l’actualité, des enjeux subjectifs du consentement, que nous apporte Clotilde Leguil, peut-elle avoir un impact dans le domaine du droit ?

Pour en savoir plus sur les avancées de la législation en terme de consentement, vous pouvez consulter cet article intitulé : Faut-il changer la définition du viol ?, publié sur le BLOG de Michel Huyette « Paroles de juge ». Cet article présente l’évolution de la législation, ainsi que les réflexions et débats en cours sur la définition du consentement.

Vous pouvez retrouver Cécile Nicco sur ce BLOG dans une interview publiée en 2018 intitulée « Désir de savoir, désir d’apprendre » où elle parle des effets de sa psychanalyse sur sa pratique d’enseignante en philosophie.

Pour cette vidéo tournée à la maison des avocats et à la cité judiciaire du Mans, nous remercions pour son appui technique Romain Souchu, venu avec sa caméra, ce qui donne au film une dynamique supplémentaire.   

Petite Équipe

Vous trouverez ici celles et ceux qui, dans l’ombre m‘apportent ou m’ont apporté leur concours pour que je puisse filmer et réaliser au mieux les interviews et enrichir ce BLOG parolesdanalysants.fr :

Visionnage des vidéos, corrections, indications sur la forme (image et son) et échanges sur le fond :  

2018-2021 : Guillaume Miant et Vincent Benoist

2021-2023 : Guillaume Miant et Nicole Busquant Le Gouedec

Ponctuellement, Sarah Guesmi, Catherine Richard

Création du BLOG et aide informatique : Patrice Cosson

Choix du logiciel de montage vidéo, Camtasia Studio (éditeur TechSmith) et familiarisation avec l’outil : Romain Boussot

Premiers interviewés : Guillaume Miant, Patrice Cosson, Bernard Hiver, Nathalie Lebreton

Assistant au tournage depuis 2018 : Jean-Yves Marion

Ponctuellement en 2018 : Roxane.

Deuxième caméra 2023 : Romain Souchu

Intervieweuses ponctuelles : Nathalie Lebreton, Delphine Provost, Roxane, Cécile Nicco

Conseils et visionnage de la bande-annonce :

Guillaume Miant, Nathalie Morinière, David Briard, Sarah Guesmi, Anne-Sophie Delaleu, Emmanuelle Andre

Accueil dans sa maison à Angers pour plusieurs tournages : Nathalie Morinière

Traduction de la vidéo de René Fiori en espagnol : René Fiori et Brigitte Brossais

Enseignement sur la thématique du contrôle analytique : Fouzia Taouzari

Mise en relation vers de nouveaux contacts pour de nouvelles vidéos :

Nathalie Morinière, Gérard Seyeux, David Briard, Emmanuelle Andre, François Jubert, René Fiori, Dalila Arpin, Marga Auré.

Textes originaux écrits pour le BLOG :

Rubrique Lettres de… inaugurée en 2019 : Marga Auré, Dalila Arpin, Normand Chabot, Nathalie Morinière, Michel Grollier, Dominique Carpentier, Anne Ganivet-Poumellec, Vincent Moreau, Emmanuelle Borgnis-Desbordes

Autres textes : Maella Michel-Spiesser

Relecture des articles :

Guillaume Miant

Ponctuellement : Pierre Stréliski pour LCD, Anis Limami, Gérard Brosseau, Catherine Richard

Bonus pour la rubrique Paroles d’Analysants renommés : Anis Limami

Aide à la conception de l’affiche : Sylvie Mothiron, Roxane

Organisation d’événements autour des vidéos :

À Angers« Effets inattendus de la psychanalyse dans la vie professionnelle », 14 avril 2018 : Nathalie Morinière avec les collègues de l’ACF en VLB à Angers : Colette Baillou, Marie-Claude Chauviré, Guillaume Miant, Anne-Sophie Delaleu

À Parisle 26 mai 2018 : « Quelle parole dans la clinique aujourd’hui ? » : à l’initiative de René Fiori

À Quimper en visio-conversation, 12 juin 2021 « Conversation sur les Souffrances au travail », organisée par l’ACF en VLB Quimper : Maela Michel-Spiesser, Hélène de Swarte, Claudie Micouleau, Noémie Guerpillon, Sarah Le Merour, ainsi que René Fiori

En Visio-conversation : Anis Limami a co-organisé avec moi la rencontre « After », fin 2021, publiée en 2022

Proposition d’articles :

Aurélie Pfauwadel pour La Cause du Désir : « Travaille ! », 2018

Dominique Carpentier et Anne Brunet pour Accès à la psychanalyse N°11 : « Le symptôme politique », 2018

René Fiori pour le 4è Numéro de l’Association des Psychologues Freudiens : « Quelle place pour la parole dans la clinique d’aujourd’hui ? », 2018

MUSIQUES :

Créations de musiques originales :

Guillaume Miant a crée plusieurs morceaux originaux pour des vidéos :

« Singing words »  2020, Guitare classique et arrangements : Quentin Miant – Guitare folk : Guillaume Miant. Ce morceau accompagne la vidéo d’Anis Limami : « S’enseigner avec la psychanalyse » ainsi que la bande-annonce : « Nos rendez-vous sur parolesdanalysants.fr »

Pour les vidéos d’Annie Stammler : « À l’écoute des enfants » et « De la psychanalyse et l’écriture de livres pour enfants ». Les musiques : « Two birds on a tree » et « Flying ring » sont composées et jouées à la mandoline par Guillaume Miant et éditées par Quentin Miant, 2018.

La musique de la vidéo d’Anaëlle « Adoucir l’effroi » est une création originale de Nicolas Suet, intitulée « Brume » (2017). Un autre extrait de cette musique a été posée sur la vidéo de Véronique : « Ne pas céder sur son désir… dans la grande entreprise »

La musique qui accompagne la vidéo de Nicole Busquant Le Gouedec : « Enseigner encore, ne pas démissionner » est une composition originale de Jacques Le Gouedec « Deux rangs de parpaings », 2012.

Pour la vidéo de François Jubert « Attraper le symptôme de la bonne manière » AWITW a composé une création originale intitulée « Nearby home ». Une autre création originale de AWITW : « Nobody’s know » accompagne les podcasts issus de l’AFTER des interviewés. 

La musique des vidéos consacrées à l’Atelier Minute Causette est une composition originale de Nathanaël Sakaï  : « Melomoog », 2023.

Musiques cédées gracieusement par leurs auteur(e)s :

L’interview de Sarah Guesmi est accompagné par deux chansons du groupe MAKESHIFT « Lazily » et « Elephant », 2018

Les vidéos de Fouzia Taouzari sont accompagnées de chansons de son amie : Jihane BOUGRINE  « Serek F’ Bir » 2021, et «Rahat El Bal», 2022.

Les vidéos de Marjorie Quélard, sont accompagnées par l’ensemble nantais de musique baroque La Querelle des Bouffons, dans la « Simphonie à huit concertants » de Zelenka, et « Concerto pour clarinette K622″ de Mozart, 2023.

Thierry AUZIAS « Parler, enseigner, beaucoup de bruit pour rien ? »

« Enseignant instruit par la psychanalyse »

Thierry AUZIAS déplie avec beaucoup de clarté les effets inattendus de sa psychanalyse dans sa pratique d’enseignant en collège. La réussite scolaire avait été si importante pour lui qu’il voulait la même chose pour ses élèves. Or dans cette transmission du savoir est mise à jour une limite : « de toutes façons, il y aura du ratage ».

Que faire du ratage, du malentendu propre à la langue ?

Un échec ou au contraire un enrichissement ?

Thierry AUZIAS explique son cheminement qui lui permet maintenant de ne plus se sentir seul devant sa classe, un contre tous, mais dans un rapport singulier à chacun. Écoutons-le !

Marjorie QUÉLARD « Les ressorts du passage à l’acte, science et subjectivité »

Psychologue orientée par la psychanalyse, Marjorie Quélard s’intéresse au point d’articulation entre le droit et la psychanalyse.

Filmé à Nantes en février 2023, l’interview a donné matière à deux vidéos.

Voici la seconde vidéo où elle explore particulièrement ce qui se passe au moment du passage à l’acte. 

Que nous apprend la criminologie sur ce moment de bascule ? 

La science et les statistiques essaient de prédire le crime, mais qu’en est-il de la responsabilité subjective ?

Cette vidéo fait suite à un premier volet publié en mars 2023, où Marjorie Quélard interroge la manière dont la société protège les individus. À notre époque où les sujets sont moins sensibles aux symboles, comment faire tenir un lien social pacifié ? Comment réguler les transgressions ?

La loi comme interdit peut-elle constituer un impossible ?

En voici le lien : 

Marjorie QUÉLARD « Psychanalyse, droit et sciences criminelles »

Psychologue clinicienne en libéral et en institution, Marjorie Quélard travaille auprès d’adolescents et dans la protection de l’enfance, auprès d’équipes médico-légales dans une UAPED : Unité d’Accueil Pédiatrique des Enfants en Danger.

Dans cette seconde vidéo, vous retrouverez l’ensemble nantais de musique baroque : La Querelle des Bouffons, dont l’interprétation de la « Simphonie à huit concertants » de Zelenka avait accompagné la première vidéo. Cette fois La Querelle des Bouffons joue le « Concerto pour clarinette K622″ de Mozart. Voici le lien vers leur site : La Querelle des Bouffons

À propos du livre de Pierre STRELISKI : « JPS, Une psychanalyse infinie »

paru aux éditions Les impliqués chez l’Harmattan 1

J’ai eu l’occasion pendant de nombreuses années de travailler avec Pierre Streliski, à l’Antenne Clinique d’Angers, au Séminaire de recherche, en cartel, lors de conférences. Une fois, alors qu’il présentait au Mans le film de David Cronenberg « A dangerous method », il a commencé ainsi :

« Notre chère psychanalyse… »

Il me semble que ce livre « JPS une psychanalyse infinie », vient en contrepoint de ces trois mots si forts. S’il peut se lire comme un roman – signifiant qui le présente sur la première de couverture – il s’agit plutôt de l’écriture d’une rencontre entre deux parlêtres, c’est-à-dire deux êtres qui seront pendant presqu’une vie reliés par la parole.

JPS, qui trouvera à se nommer ainsi par ses initiales, est le patient, Pierre Streliski le psychiatre. JPS devient analysant, Pierre Streliski son analyste. Cela ne se produit pas dans l’instant mais au fil des rendez-vous.

La première séance est emblématique, JPS est « terrorisé », la lumière est trop forte, le bruit de la rue l’envahit. « Le réel du monde » l’agresse comme « mille fines lames de rasoir ». Pierre Streliski lui propose de parler tout de même. Voilà où le lien se noue : le réel est incessant, persécuteur, mais la parole est rendue possible. JPS aime les mots, il crée des néologismes pour tenter « de dire la chose même », le sens du monde. « Il faut défratiser le langage », dit-il. Ainsi, « la lente décantation des mots (…) s’opère dans l’analyse », écrit Pierre Streliski.

« Une présence discrète et indéfectible »

Au fil du livre, ce qui apparaît, c’est que chacun dans cette rencontre apprend de l’autre, et le lecteur est invité à s’en enseigner. Plusieurs fois, celui-ci peut s’imaginer avoir compris ce que JPS pourrait trouver comme solution, par exemple lorsqu’il se forge un savoir sur la photographie… Ce ne sera pas la solution, tout au plus une bribe. Dans cette « psychanalyse infinie » l’analyste ne prétend pas savoir ce qui conviendrait à son analysant. Il ne lui donne pas de conseil, ne soutient pas un projet : il ne se propose pas en maître, en savant, en guide. Mais, il ne le lâche pas, ne s’impatiente pas, ne le repousse pas. Il se fait « présence discrète et indéfectible ». Il se laisse enseigner, suivant pas à pas JPS qui tente de décrire par différents moyens « l’étrange consistance » du réel pour lui. Dans cette modalité de présence, on peut repérer la « fraternité discrète »2 dont parle Lacan dans les Écrits. Fraternité avec un autre qui n’est pas un frère justement, mais un patient bizarre, extravagant, un étranger.

Là où notre monde avec ses nouvelles politiques de santé nous pousse dans une « tyrannie de l’urgence »3, Pierre Streliski nous fait éprouver la valeur d’un temps long, la nécessité d’un rapport à l’analyse là aussi d’une durée aussi longue que nécessaire pour l’analyste, afin de supporter le réel. Le réel qui est là imprévu, incontournable comme la pierre au milieu du chemin sur laquelle on bute4. Dans la salle d’attente, JPS est là, clochard hirsute, criant. Être reçu, accueilli sans attendre est vital pour ce patient psychotique qui ne pouvait plus supporter d’être hospitalisé.

Il a ainsi été retenu dans son errance par ce lien à son analyste et son transfert à la psychanalyse tout au long de sa vie. Et comme le dit Pierre Streliski, il a pu ainsi « tenir avec le monde, avec l’autre, un fil ténu »5.

Élisabeth Marion, le 02 août 2023

Pierre Streliski est psychiatre et psychanalyste à Angers, membre de l’École de la Cause freudienne et de l’Association Mondiale de Psychanalyse, coordinateur de la Section Clinique, puis de l’Antenne Clinique d’Angers de sa création en 1992 à 20196.

STRELISKI Pierre, JPS, Une psychanalyse infinie, Paris, Les impliqués chez l’Harmattan, 2023.

Lien vers la maison d’édition : https://www.editions-harmattan.fr/livre-jps_une_psychanalyse_infinie_pierre_streliski-9782385413958-77400.html

LACAN Jacques, Écrits, Paris, Seuil, 1966, p.124.

MILLER Jacques-Alain, L’os d’une cure, Paris, Navarin, 2018.

Pierre STRELISKI avait déjà écrit un texte sur le travail avec son patient JPS, intitulé «  Des remparts de livres », in Leur patient préféré de Violaine de Monclos, Paris, Stock, 2016. https://www.editions-stock.fr/livres/essais-documents/leur-patient-prefere-9782234079113

STRELISKI Pierre, « Petite histoire de la Section clinique d’Angers. Contribution sur son lien social », in Accès N°12, octobre 2019, p.117-122.