Thierry AUZIAS déplie avec beaucoup de clarté les effets inattendus de sa psychanalyse dans sa pratique d’enseignant en collège. La réussite scolaire avait été si importante pour lui qu’il voulait la même chose pour ses élèves. Or dans cette transmission du savoir est mise à jour une limite : « de toutes façons, il y aura du ratage ».
Que faire du ratage, du malentendu propre à la langue ?
Un échec ou au contraire un enrichissement ?
Thierry AUZIAS explique son cheminement qui lui permet maintenant de ne plus se sentir seul devant sa classe, un contre tous, mais dans un rapport singulier à chacun. Écoutons-le !
Être interviewé sur les effets de sa psychanalyse… revient à se déclarer comme analysant.
C’est un effet de l’analyse que de pouvoir « sortir de l’ombre » et se présenter devant une caméra, « exposer sa parole » à un micro et ainsi se manifester comme analysant. C’est une parole qui engage, qui participe d’une orientation, qui a valeur d’acte.
Écoutons les treize interviewés qui dans cette conversation ont échangé à partir de cette expérience partagée, et qui chacun à sa façon en explicite davantage l’intention. Intention en lien avec la dimension politique de cette prise de parole qui s’éclaire dans le fil de cet échange.
0.00 à 3.00 : Introduction,Anis Limami, chercheur à l’INRAe, professeur à l’Université d’Angers – « Sortir de sa réserve », Élisabeth Marion, réalisatrice des vidéos – « Parier sur les effets », Guillaume Miant, psychologue en pédopsychiatrie.
3.00 à 11.20 : « Prendre ses responsabilités », Nicole Busquant Le Gouedec, enseignante – « Un acte qui engage », Véronique, cheffe de projet dans une grande entreprise – « Éthique et engagement »,Ludmila Volf, artiste plasticienne et scénographe – « Être moins dupe » :Yves Aurégan, chercheur en acoustique.
11.20 à 18.30 : « Un coming out psychanalytique », François Jubert, médecin, psychiatre et psychanalyste – « Soulager grandement », Jean-Yves Marion, historien, ayant travaillé dans une grande entreprise – « Donner accès à la psychanalyse » : Emmanuelle Andre, psychologue clinicienne – « Un point de Capiton » : Anis Limami.
18.35 à 25.00 : « L’amour de savoir », Caroline de Diesbach, comédienne, metteuse en scène et autrice de théâtre – « Exposer sa parole » :Isabelle Esnault, infirmière en pédopsychiatrie – « Sortir de l’ombre » : Nathalie Lebreton, infirmière en psychiatrie – « Un effet de ré-animation » : Ludmila Volf– « L’œuvre au travail » : José Alvès, art-thérapeute – « Boomerang » : Isabelle Esnault – Conclusion « On y met du sien » : Anis Limami.
Argument :
Si l’on vient à la psychanalyse car on se cogne contre le réel, l’impossible, l’insupportable, l’analyse permet une élucidation – un gain de savoir – mais pas seulement.
Comme nous le rappelle Clotilde Leguil dans son livre « Céder n’est pas consentir », la psychanalyse vise à nous permettre de trouver ou retrouver l’accès à notre désir ; c’est cela l’éthique même de la psychanalyse : ne pas céder sur son désir, ainsi que le formule Lacan.1. Et par une orientation vers le réel comme le souligne Jacques-Alain Miller2, elle permet aussi que quelque chose change pour chacun dans son rapport à l’inconscient et à son mode de jouir. Un savoir-y-faire avec son symptôme peut en résulter, c’est-à-dire un « savoir se débrouiller avec. »3
Le pari de ces vidéos est de montrer, par le biais de la vie professionnelle, en quoi le singulier a une valeur incomparable. Les effets d’invention, que chacun des interviewés explicite, sont aussi essentiels dans le milieu du travail, donc dans le champ social.
Et, le rapport à la parole se modifie.
Ce point, beaucoup d’interviewés l’ont exploré, notamment dans ce Podcast où la question de la prise de parole est centrale.
Merci à AWITW pour la musique « Nobody’s know », dont il a gracieusement autorisé l’utilisation pour accompagner les podcasts tirés de la rencontre : AFTER. Cette musique est une création originale. AWITW avait déjà créé un morceau inédit pour la vidéo de François Jubert. Et sous ce lien, vous pourrez retrouver ses autres créations : AWITW
1 Lacan, Livre VII, L’éthique de la psychanalyse, p.368.
2Jacques-Alain Miller « Vers le réel », in UFORCA, Comment s’orienter dans la clinique ? Le Champ freudien éditeur, 2018.
Nicole Busquant Le Gouedec est professeure de lettres, histoire et géographie en lycée professionnel.
Ne pas démissionner
Dans cet interview, elle montre comment la psychanalyse lui a permis d’être à nouveau « debout » devant ses élèves, alors qu’elle était « au bord de la démission ».
Enseigner encore
Avec la psychanalyse « j’ai pu repérer ce qui se jouait à mon insu dans le rapport aux jeunes et comment je m’identifiais beaucoup trop à leur situation. Je me mettais à leur place. »
« On s’enseigne sur le divan et dans la vie professionnelle … de l’erreur et du ratage dans le rapport aux élèves. » … Avec la psychanalyse, j’ai pu « approcher l’erreur non plus comme une faute mais comme une production qui a quelque chose à dire. »
À signaler, la musique qui accompagne la vidéo est une œuvre originale de Jacques Le Gouedec » Deux rangs de parpaings » 2012.
D’abord professeur d’Arts plastiques, José est devenu Art-thérapeute.
Dans cette vidéo il déroule son parcours au cours duquel, dit-il :
« Je suis passé d’un « je sais pour toi » à un « tu sais » (…) cette position là m’est venue au fur et à mesure de l’avancée de mon analyse ».
« Les questions qui m’angoissaient (…) aujourd’hui sont devenues des questions qui n’ont plus ce poids de souffrance (…) j’ai l’impression qu’à travers ces questions il y a un repérage du désir qui est au travail ».
« La psychanalyse et l’Art, ce sont deux domaines qui autorisent l’inventivité ».
Cette vidéo a été tournée en décembre 2018 à Angers chez Nathalie Morinière qui soutient depuis le début ce projet d’interviews sur l’effet de la psychanalyse de manière décidée !
avant d’être directrice thérapeutique d’un groupe de résidents au Courtil*, Catherine était professeure de lettres.
« la psychanalyse laisse une place à la liberté qui advient quand on peut assumer sa propre singularité, son style ».
*Le Courtil est une institution orientée par la psychanalyse lacanienne,
située à Tournai et à Leers Nord en Belgique, elle accueille et accompagne des enfants, des adolescents et de jeunes adultes. Cet accompagnement est adapté à la problématique singulière de chacun.
Le Courtil publie une revue de psychanalyse appliquée.
C’est au Courtil que la réalisatrice Mariana Otero a tourné « A ciel ouvert », un film-documentaire dont voici la bande annonce.
Voici quelques mots de Mariana Otero : « L’idée inaugurale de cette institution est que les enfants en souffrance psychique ne sont pas des handicapés à qui il manquerait quelque chose pour être comme les autres. Au contraire, au Courtil, chaque enfant est avant tout considéré par les intervenants comme une énigme, un sujet qui possède une structure mentale singulière, c’est-à-dire une manière originale de se percevoir, de penser le monde et le rapport à l’autre. Les intervenants, en abandonnant tout a priori et tout savoir préétabli, essaient de comprendre la singularité de chaque enfant afin de l’aider à inventer sa propre solution, celle qui pourra lui permettre de trouver sa place dans le monde et d’y vivre apaisé. »
Jean-François est actuellement personnel de direction à l’Éducation nationale
Il a été auparavant professeur des écoles, puis professeur de mathématiques et de musique en collège.
Extraits : « Comment être juste avec un élève ? Juste dans l’accompagnement qu’on peut avoir avec une équipe d’enseignants ? Juste dans l’écoute qu’on peut avoir avec des parents ? »
S’il s’agit de « permettre à l’élève de s’adapter à sa vie… il faut qu’il soit adaptable, mais là j’en reviens au sens d’ Hannah Arendt, avec une part de création »… «L’enseignant doit permettre à l’élève d’être lui-même, il ne doit pas imposer un modèle préétabli ».