À propos du livre de Pierre STRELISKI : « JPS, Une psychanalyse infinie »

paru aux éditions Les impliqués chez l’Harmattan 1

J’ai eu l’occasion pendant de nombreuses années de travailler avec Pierre Streliski, à l’Antenne Clinique d’Angers, au Séminaire de recherche, en cartel, lors de conférences. Une fois, alors qu’il présentait au Mans le film de David Cronenberg « A dangerous method », il a commencé ainsi :

« Notre chère psychanalyse… »

Il me semble que ce livre « JPS une psychanalyse infinie », vient en contrepoint de ces trois mots si forts. S’il peut se lire comme un roman – signifiant qui le présente sur la première de couverture – il s’agit plutôt de l’écriture d’une rencontre entre deux parlêtres, c’est-à-dire deux êtres qui seront pendant presqu’une vie reliés par la parole.

JPS, qui trouvera à se nommer ainsi par ses initiales, est le patient, Pierre Streliski le psychiatre. JPS devient analysant, Pierre Streliski son analyste. Cela ne se produit pas dans l’instant mais au fil des rendez-vous.

La première séance est emblématique, JPS est « terrorisé », la lumière est trop forte, le bruit de la rue l’envahit. « Le réel du monde » l’agresse comme « mille fines lames de rasoir ». Pierre Streliski lui propose de parler tout de même. Voilà où le lien se noue : le réel est incessant, persécuteur, mais la parole est rendue possible. JPS aime les mots, il crée des néologismes pour tenter « de dire la chose même », le sens du monde. « Il faut défratiser le langage », dit-il. Ainsi, « la lente décantation des mots (…) s’opère dans l’analyse », écrit Pierre Streliski.

« Une présence discrète et indéfectible »

Au fil du livre, ce qui apparaît, c’est que chacun dans cette rencontre apprend de l’autre, et le lecteur est invité à s’en enseigner. Plusieurs fois, celui-ci peut s’imaginer avoir compris ce que JPS pourrait trouver comme solution, par exemple lorsqu’il se forge un savoir sur la photographie… Ce ne sera pas la solution, tout au plus une bribe. Dans cette « psychanalyse infinie » l’analyste ne prétend pas savoir ce qui conviendrait à son analysant. Il ne lui donne pas de conseil, ne soutient pas un projet : il ne se propose pas en maître, en savant, en guide. Mais, il ne le lâche pas, ne s’impatiente pas, ne le repousse pas. Il se fait « présence discrète et indéfectible ». Il se laisse enseigner, suivant pas à pas JPS qui tente de décrire par différents moyens « l’étrange consistance » du réel pour lui. Dans cette modalité de présence, on peut repérer la « fraternité discrète »2 dont parle Lacan dans les Écrits. Fraternité avec un autre qui n’est pas un frère justement, mais un patient bizarre, extravagant, un étranger.

Là où notre monde avec ses nouvelles politiques de santé nous pousse dans une « tyrannie de l’urgence »3, Pierre Streliski nous fait éprouver la valeur d’un temps long, la nécessité d’un rapport à l’analyse là aussi d’une durée aussi longue que nécessaire pour l’analyste, afin de supporter le réel. Le réel qui est là imprévu, incontournable comme la pierre au milieu du chemin sur laquelle on bute4. Dans la salle d’attente, JPS est là, clochard hirsute, criant. Être reçu, accueilli sans attendre est vital pour ce patient psychotique qui ne pouvait plus supporter d’être hospitalisé.

Il a ainsi été retenu dans son errance par ce lien à son analyste et son transfert à la psychanalyse tout au long de sa vie. Et comme le dit Pierre Streliski, il a pu ainsi « tenir avec le monde, avec l’autre, un fil ténu »5.

Élisabeth Marion, le 02 août 2023

Pierre Streliski est psychiatre et psychanalyste à Angers, membre de l’École de la Cause freudienne et de l’Association Mondiale de Psychanalyse, coordinateur de la Section Clinique, puis de l’Antenne Clinique d’Angers de sa création en 1992 à 20196.

STRELISKI Pierre, JPS, Une psychanalyse infinie, Paris, Les impliqués chez l’Harmattan, 2023.

Lien vers la maison d’édition : https://www.editions-harmattan.fr/livre-jps_une_psychanalyse_infinie_pierre_streliski-9782385413958-77400.html

LACAN Jacques, Écrits, Paris, Seuil, 1966, p.124.

MILLER Jacques-Alain, L’os d’une cure, Paris, Navarin, 2018.

Pierre STRELISKI avait déjà écrit un texte sur le travail avec son patient JPS, intitulé «  Des remparts de livres », in Leur patient préféré de Violaine de Monclos, Paris, Stock, 2016. https://www.editions-stock.fr/livres/essais-documents/leur-patient-prefere-9782234079113

STRELISKI Pierre, « Petite histoire de la Section clinique d’Angers. Contribution sur son lien social », in Accès N°12, octobre 2019, p.117-122.

Accès à la psychanalyse N°10

Le symptôme politique

« La cure analytique comme expérience intime ne conduit pas à se détourner du monde et de son actualité, mais invite au contraire à prendre une place dans la cité »  Dominique Carpentier, 4è de couverture

Accès à la psychanalyse est le bulletin de l’ACF-VLB, (Association de la Cause freudienne, Val de Loire & Bretagne).

L’équipe d’Accès en la personne d’Anne Brunet a interviewé Élisabeth Marion sur son expérience des vidéos, sur ce que ces rencontres, ces échanges lui ont appris. Quelle est la pertinence de la psychanalyse aujourd’hui, au XXIè siècle, dans le lien social, dans le monde du travail ? 

L’article est paru sous le titre :

Des analysants parlent sur YouTube…

des effets de leur psychanalyse dans leur vie professionnelle

Voici le sommaire de ce numéro d’Accès :

  

Quelle place pour la parole…

Quelle place pour la parole dans la clinique aujourd’hui ?

 

 

Quelle place pour la parole dans la clinique d’aujourd’hui ?

Dans ce quatrième opuscule publié par l’Association des Psychologues Freudiens vous trouverez les textes des exposés de la rencontre du 26 mai 2018 intitulée

Quelle parole dans la clinique d’aujourd’hui ?

Toutes les informations sur cette après-midi de travail et sa diffusion en audio sur le site des Psychologues Freudiens sont ici. 

Vous y trouverez trois textes présentés par des participants à ce Blog :

-le texte de l’intervention de Patrice, informaticien, « L’entreprise managériale : La perte du sens au travail ».  Voici le lien vers son interview intitulé « Mettre de la distance »

-celui de Sophie, directrice associée et consultante en conseil et formation R.H. intitulé : « Comment tu vas lui dire tout ça ?» Son interview :« Ne plus craindre la surprise, bien au contraire ! » est sur ce blog.

-et le texte de Jean-François, actuellement personnel de direction à l’Éducation nationale, intitulé : « Un fonctionnaire, ça doit fonctionner ! ». Voici le lien vers son interview : « Un appui émancipateur »

Et voici le lien vers le site des Psychologues Freudiens 

 

TRAVAILLE !

Dans ce numéro N° 99 de la Cause du Désir, vous trouverez

l’éditorial de Aurélie PFAUWADEL intitulé « Le matériel humain »

cliquez ici

et aussi un texte consacré aux vidéos de ce BLOG sur l’Effet de la Psychanalyse dans la vie professionnelle sous le titre :

Analysants au travail : quels effets ! (vu sur YouTube)